Analyse de « l’affaire » de la claque de JoeyStarr

Alors qu’elle aurait pu ne devenir qu’un passage de bêtisier que l’on regarde en famille à Noël, la gifle administrée par JoeyStarr au chroniqueur Gilles Verdez a provoqué un raz-de-marée médiatique entre le 19 et le 20 avril. Si ce geste a suscité de nombreuses réactions, il a également été critiqué par de nombreux observateurs pour l’ampleur démesurée qu’il avait prise.

Comment cet épisode a-t-il été élevé au rang de « buzz » ? Quel impact a-t-il eu sur les réseaux sociaux ? La chaîne D8 est-elle la grande perdante de ces tensions entre deux de ses émissions ? Pour le savoir, nous avons utilisé notre solution de veille Opinion Tracker.

#JoeyStarr vs #TPMP : laisse pas traîner ton buzz

Avant-propos : « l’affaire » en quelques mots

Sur la chaîne D8, le mardi 19 avril, l’access prime time est assuré par l’émission de Cyril Hanouna Touche Pas à Mon Poste et le prime time est occupé par Nouvelle Star, l’émission de chant dans laquelle le rappeur JoeyStarr fait partie du jury. Les deux émissions sont en direct.

Un chroniqueur de TPMP, Gilles Verdez, est envoyé dans les locaux de Nouvelle Star pour surprendre JoeyStarr dans sa loge et faire un happening. La plaisanterie tourne mal : le rappeur, peu désireux de se faire déranger, gifle Verdez. Ce dernier se retire, l’arcade sourcilière en sang.

Sur le plateau de TPMP, Cyril Hanouna et sa bande s’insurgent contre JoeyStarr et demandent des excuses immédiates. La star ne s’excuse pas clairement et aucune décision n’est prise par D8 ou la production de l’émission quant à une éventuelle exclusion du rappeur. Indigné, Hanouna annonce dans un premier temps qu’il ne rendra pas l’antenne sans excuses, puis qu’il n’assurera pas l’émission du lendemain.

Pour plus d’informations sur le déroulé de la soirée et l’émission du 20 avril (finalement assurée par Hanouna), cliquez ici. Passons maintenant à l’examen de cette « affaire » côté Web, à base de buzz buzz buzz buzz.

C’est du buzz, bébé

La gifle de JoeyStarr a suscité de nombreuses conversations.

Évolution du nombre de tweets citant « Touche pas à mon Poste », « TPMP » ou « #TPMP » entre le 19/04 et le 21/04.

Avec plus de 500 000 tweets publiés en quelques heures, les hashtags liés à l’événement (#TPMP, #GillesVerdez…) ont rapidement trusté les Trending Topics (actus à la Une) au niveau français, puis mondial. Entre partages de la vidéo de l’événement, tweets à charge (ou non) contre JoeyStarr et messages de soutien à Gilles Verdez, le nombre de verbatims publiés a largement dépassé les chiffres d’autres actualités récentes (#Hollande, #PanamaPapers, #NuitDebout…).

Ces nombreuses conversations ne sont pas dues qu’au geste du rappeur : la quasi-totalité des personnalités présentes à l’antenne au moment des faits (Gilles Verdez, JoeyStarr, l’équipe de TPMP…) ont dans la foulée publié des tweets pour réagir, provoquant de nombreuses reprises et réactions.

Malgré son annonce, Cyril Hanouna a bel et bien présenté l’émission du 20 avril. En attendant ce nouveau direct, la viralité de l’événement est restée conséquente, avec de nouveaux commentaires de « l’affaire » et de nombreux messages et articles qui pointaient du doigt l’ampleur prise par l’événement. Tous ces messages ont entretenu une forme d’attente autour de l’émission à venir : le TPMP du 20 avril a établi un nouveau record d’audience. Sur Twitter, on compte plus de 60 000 tweets au sujet de l’émission durant ces deux heures de direct, contre 5 000 tweets par heure en moyenne sur le reste de la journée. Les réseaux sociaux ont donc permis à « l’affaire » de gagner en ampleur et de se prolonger au-delà de la diffusion de TPMP et de Nouvelle Star. Une nouvelle preuve de l’impact de ces nouveaux espaces sur les médias traditionnels, mais également du potentiel conversationnel de l’émission de Cyril Hanouna, qui semble ne laisser personne indifférent.

#TPMPEstUneFamille : le cri du cœur des « fanzouzes »

Au lendemain de la claque reçue par Gilles Verdez et avant le nouveau direct de TPMP, l’émission a continué de susciter de nombreux messages. Ces derniers sont non seulement liés au (très) grand nombre d’articles revenant sur l’événement, mais également à des discussions entre internautes sur la gravité du geste de JoeyStarr, sur l’absence d’excuses franches de la part du rappeur ou encore sur la réaction de l’équipe de TPMP. Parmi ces nombreuses conversations, un nouveau hashtag est apparu : #TPMPEstUneFamille.

Lancé par le compte d’un fan (ou « fanzouze »), ce hashtag s’adressait à la grande communauté que composent les fidèles de TPMP et de Cyril Hanouna. L’objectif : adresser leur soutien à Gilles Verdez et à toute l’équipe de TPMP en mettant en avant la forte communion entre l’animateur, les chroniqueurs et le public de l’émission. Rapidement, le hashtag gagne en popularité et devient lui aussi Trending Topic en France, avec plus de 12 000 tweets générés en quelques heures.

Les fanzouzes se sont mobilisés en masse.

Évolution du nombre de tweets utilisant le hashtag « #TPMPEstUneFamille » sur la journée du 20/04.

Très viral, le hashtag a été repris par plusieurs membres de cette « famille », à commencer par le principal intéressé, Gilles Verdez :

On notera également que la popularité du hashtag a amené des médias tels que 20 minutes à l’utiliser pour gagner en visibilité :

Le succès de ce hashtag, lancé spontanément par des fidèles de l’émission, met en avant la forte communauté d’avocats dont jouit TPMP. Un atout de poids auprès de l’opinion publique, alors que l’émission fait régulièrement l’objet de polémiques depuis quelques mois. Au-delà de l’aspect purement télévisuel de cet exemple, l’activité des « fanzouzes » en ces périodes de trouble rappelle toute l’importance que peuvent revêtir des brand advocates dans la défense de l’image d’une marque, ici la « marque Hanouna ».

Une crise d’image pour D8 ?

La mise en avant de la « famille » TPMP s’est-elle faite au détriment de la « famille D8 » ? Pour exiger des excuses immédiates de JoeyStarr, Cyril Hanouna a menacé de ne pas rendre l’antenne, puis de ne pas présenter le TPMP du lendemain. Des menaces partagées par le compte Twitter de l’émission.

Face aux critiques qui visaient l’intrusion de Gilles Verdez dans la loge de JoeyStarr, Hanouna a précisé que ce happening entre les deux émissions était prévu et avait pour but d’aider Nouvelle Star, dont les audiences sont faibles cette année. Une façon de déresponsabiliser son équipe, mais également de rappeler l’importance de TPMP et de la « marque Hanouna » pour D8. Au lendemain de la gifle, de nombreux médias ont pointé du doigt l’ampleur que prenait « l’affaire », mais également l’influence de Cyril Hanouna sur D8.

Dans les nombreux articles qui abordent la « dépendance » de la chaîne vis-à-vis de celui qui serait son « vrai patron », D8 a été pointée du doigt pour son « ingérence ». Les différents responsables (de D8, de la société qui produit Nouvelle Star…) ont affirmé leur « confiance » quant à la gestion de cette « affaire ». Lors de sa présentation du TPMP qu’il ne voulait pas assurer, Cyril Hanouna a précisé que sa présence sur le plateau n’était due qu’à son contrat, que « les patrons » l’ont obligé à respecter. Une manière de réaffirmer sa subordination à la chaîne ? L’e-réputation de D8 a donc été mise à rude épreuve au cours des derniers jours, tant par la presse que par le grand public :

Alors que les plaintes déposées au CSA pourraient jouer un rôle dans une éventuelle sanction vis-à-vis de JoeyStarr, la chaîne devra batailler ferme dans les prochaines semaines pour réaffirmer son autorité sur ses animateurs et ses programmes aux yeux de l’opinion publique. Est-ce encore possible, alors que Cyril Hanouna représente 40 % des recettes publicitaires de D8 ?

Buzz phénoménal et cross-canal, l’affaire de la gifle a rappelé le poids de la « marque Hanouna » sur le paysage médiatique français. La surexposition de cet événement peu essentiel (par rapport aux thématiques d’intérêt public qu’il a éclipsées) au rang de « buzz » a également mis en avant une hiérarchisation des actualités soumise aux réseaux sociaux, et qui apparaît de fait bien moins structurée que par le passé. La surexposition de cette « affaire » entraînera-t-elle des sanctions à la hauteur du buzz généré ? À suivre…

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